Coopération numérique intersectorielle :

Comment l’écosystème de la Genève internationale peut apporter sa contribution à une meilleure intégration des données pour mieux réaliser les ODD.

RAPPORT

La session a été ouverte par Jürg Lauber (Ambassadeur, Représentant permanent de la Suisse auprès de l’ONU et d’autres organisations internationales à Genève) qui a noté que le voyage “The road to Bern…via Geneva” a été une découverte sur de nombreuses organisations et projets intéressants liés aux données à Genève. En tant que siège de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN), qui est l’une des plus grandes entreprises de traitement de données au monde, et siège de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), qui est l’un des systèmes de collecte de données les plus divers, Genève possède un écosystème de données très riche.

Genève est également le lieu où sont discutées les politiques en matière de données. Les données sont considérées comme un bien public dans le travail de nombreuses organisations internationales à Genève. Cependant, la disponibilité de données fiables fait toujours défaut dans les endroits et les domaines où elles sont le plus nécessaires, c’est pourquoi les dialogues ont appelé à davantage d’efforts pour l’inclusion des données. L’utilisation efficace des données n’est pas seulement une question de technologie, mais aussi de politiques : cadres juridiques, incitations économiques et utilisation équitable qui concernent toutes les parties prenantes. La sécurité des données est importante, y compris la protection technique et les immunités juridiques pour les données utilisées et produites par les organisations internationales.

Les Normes transversales et intersectorielles sont nécessaires pour collecter, protéger, traiter et présenter les données. Seule une approche globale peut garantir l’utilisation efficace des données, et le dépassement des cloisonnements politiques reste le principal défi à relever.

Jovan Kurbalija (Directeur fondateur, DiploFoundation ; Chef de la Geneva Internet Platform [GIP]), a noté que “The road to Bern”, ou la route de la coopération, n’est pas une route unique ; il y a plutôt plusieurs routes. Faisant écho aux remarques de l’ambassadeur Lauber, M. Kurbalija a réaffirmé que certains joyaux numériques de Genève ont été découverts au cours de ce processus, tels que les capacités de traitement des données du CERN et les réseaux de collecte de données les plus diversifiés au monde de l’OMM.

Des potentiels pour de nouveaux projets ont également été repérés au cours des huit derniers mois. Passer à des projets et des idées concrètes a été l’esprit sous-jacent de ce processus, et la pandémie de COVID-19 a accéléré cette tendance. Il existe de nombreuses initiatives et développements intéressants qui s’efforcent d’identifier les schémas de la crise actuelle et de trouver des solutions. Au cours de ce voyage, nous avons également réalisé l’importance des processus politiques et des solutions aux problèmes de données. Plus que jamais, il est nécessaire de trouver des solutions juridiques, des incitations pour que les individus, les entreprises et les pays prennent conscience que les données sont un atout. Plus important encore, ce voyage a mis en évidence l’importance des normes et d’une approche holistique de la politique et de la gouvernance des données.

La scène genevoise est très importante pour relever l’un des défis sous-jacents de la gouvernance et de la politique des données – dépasser les silos politiques, car il en va de même pour les données, puisqu’il est dans leur nature d’être partagées et utilisées. Les dialogues ont montré qu’un espace géographique limité avec une forte concentration d’acteurs clés de la gouvernance internationale peut aider à définir de nouvelles normes, politiques et approches du partage des données au-delà des silos politiques.

Le “Road to Bern” via le processus de Genève : Une approche intersectorielle de la gouvernance des données

Le Road to Bern a permis de réunir des partenaires basés à Genève pour découvrir des solutions intersectorielles qui renforcent mutuellement leurs missions collectives et individuelles, a réaffirmé Samira Asma (Sous-directrice générale, Division des données, de l’analyse et des prestations pour l’impact, Organisation mondiale de la santé [OMS]).

Le premier dialogue de la série a suscité des idées sur la manière d’utiliser les avantages comparatifs pour surmonter les difficultés à rendre les données opportunes, fiables et exploitables. Des partenariats significatifs ont la capacité de combler les nombreuses lacunes auxquelles nous sommes confrontés. En l’absence de ressources pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD), les organisations devront collaborer pour avoir un impact mesurable sur la vie des gens et sur la planète.

Il existe 59 indicateurs de santé, et la santé stimule l’ensemble des 17 ODD . Selon des prédictions récentes, nous atteindrons les ODD en 2084. Une autre épidémie ou pandémie est inévitable et nous devons nous y préparer. D’ici 2021, les partenaires des Nations unies basés à Genève pourraient mettre en place un mécanisme commun de collecte, d’analyse, de communication et d’utilisation des données, en mettant l’accent sur le soutien aux pays les moins avancés (PMA) et aux petits États insulaires en développement (PEID).

L’OMS est en train de mettre au point un nouveau centre mondial de données sur la santé qui permettra de raccourcir le chemin entre la collecte des données et les prédictions et informations exploitables. La route vers 2021 doit devenir une autoroute sans limites de vitesse. La pandémie de COVID-19 nous a obligés à élaborer des principes pour la collecte de données dans différentes organisations.

L’OMS tente également d’accélérer ses principes en matière de données :

a) traiter les données comme un bien public,

b) maintenir la confiance des États membres dans les données,

c) soutenir le renforcement des systèmes nationaux de données et d’informations sanitaires,

d) être un gestionnaire de données responsable et combler les lacunes en matière de données sur la santé publique.

L’OMS dispose d’une politique de partage des données pour les non-urgences sanitaires, mais elle envisage également une politique de partage des données pour les urgences sanitaires.

L’OMS travaille également avec la Health Data Collaborative, un groupe de 40 organisations et pays partenaires, afin de créer une approche unifiée pour tirer parti des ressources.

L’OMS et la Division statistique des Nations unies accueillent conjointement un secrétariat chargé de quantifier l’impact mondial direct et indirect de COVID-19. Ces efforts sont guidés par la stratégie de données du Secrétaire général des Nations Unies.

Petteri Taalas (Secrétaire général, OMM) a qualifié l’OMM de “grand-père du big data”, car l’organisation, dans ses différentes itérations, collecte des données depuis 1781.

L’OMM a établi des normes d’observation qui garantissent que la qualité des données est connue dans le monde entier et que les données provenant des États membres sont fiables. L’organisation a également mené à bien une réforme qui a permis de regrouper sous un même toit les questions relatives au temps, au climat, à l’eau et aux océans. L’OMM gère également 13 centres mondiaux situés dans différentes parties du monde et qui utilisent des superordinateurs pour calculer de grands ensembles de données.

En outre, plus de 60 centres dans le monde entier calculent le climat futur. Ces calculs constitueront l’épine dorsale du sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations Unies, qui sera publié prochainement. L’OMM encourage l’accès libre et gratuit aux données, car cela augmente considérablement la valeur de ces dernières. L’organisation est également confrontée à certains défis en matière de données, qui seront abordés lors de la conférence de l’OMM sur les données, en novembre. Il s’agit notamment de

(a) améliorer la disponibilité des données, car les lacunes en la matière ont un impact négatif sur la qualité des prévisions météorologiques,

(b) traiter les données essentielles qui sont importantes pour les affaires de sécurité,

(c) promouvoir l’échange gratuit de données radar et de plusieurs autres ensembles de données, et rendre les données fournies par les fournisseurs de données privés disponibles à l’échelle mondiale.

Les idées avancées au cours de la série de dialogues doivent être concrétisées a noté Dorothy Tembo (Directrice exécutive adjointe du Centre du commerce international [CCI]). Il est nécessaire de favoriser une plus grande coopération en matière de données au sein de l’écosystème des Nations unies en élaborant des principes communs, en renforçant les échanges et en traitant les aspects liés à la sensibilisation, à l’assurance de la sécurité des données, à la protection de la vie privée et à l’investissement dans le développement des capacités de collecte et de traitement des données.

Les données sont utilisées pour faciliter de nombreuses facettes de notre vie, et une approche cohérente des données est nécessaire car elle soutiendra ensuite la progression vers les ODD. Les données doivent être accessibles, cohérentes et transformées en informations conviviales. Le CCI aide les entreprises à surmonter les obstacles à l’information pour qu’elles puissent obtenir des renseignements sur le marché. Le CCI considère que les données ne sont pas seulement des chiffres mais aussi des produits de données, tels que le plan de commerce et le plan d’accès au marché, qui ont permis à de nombreux pays de prendre des décisions en connaissance de cause.

Madame Tembo a également noté que les données sont différentes mais complémentaires ; et que les partenaires devraient travailler ensemble pour créer de plus grandes synergies afin d’avoir un plus grand impact. Elle a conclu en déclarant que, suite aux dialogues, le CCI a réexaminé ses processus internes de gestion des données et a remarqué qu’il fonctionnait peut-être en silos, c’est pourquoi il va investir des fonds dans la gestion systématique des données.

L’exercice du concept d’ouverture est une orientation partagée par les partenaires, a souligné Eckhard Elsen (Directeur de la recherche et de l’informatique, CERN ; membre de la direction du CERN). Il peut y avoir des avantages à court terme à cacher des données, mais cette approche n’est pas viable à long terme.

L’ouverture signifie la publicité des outils utilisés et du code source ouvert utilisé, ce qui permet de développer une compréhension commune dans le monde entier. Cependant, si les données sont simplement publiées au public, elles ne sont d’aucune utilité. Il faut au contraire des données légèrement agrégées et des outils pour les analyser, afin qu’elles puissent être utilisées ultérieurement. Les scientifiques peuvent avoir des hésitations initiales à publier des données et des instruments, car il s’agit de leur effort intellectuel, mais si le financement provient de sources publiques, les données et les instruments doivent être mis à la disposition du public.

L’organisation travaille à l’élaboration d’une déclaration de politique générale qui déterminera ce que les données ouvertes doivent satisfaire et prescrira la fréquence à laquelle les données doivent être publiées afin qu’elles puissent être utilisées pour des analyses ultérieures. En ce qui concerne les données de modélisation, les outils de simulation deviennent de plus en plus complexes et une interface commune permettant d’appliquer facilement ces outils est nécessaire. Il serait bon d’utiliser le financement public pour appliquer certains de ces outils plus efficacement en utilisant des normes communes ou des sous-ensembles de calculs. Si les données restent non divulguées pendant une longue période, cela entrave le progrès, et nous devons développer de tels modèles dans lesquels la latence est la clé pour rendre les choses ouvertes.

Houlin Zhao (Secrétaire général de l’Union internationale des télécommunications [UIT]) a fait remarquer que les experts en TIC effectueront les tâches de base concernant la collecte, la protection, le partage et l’utilisation des données. En ce qui concerne la collecte des données, il est important de savoir s’il s’agit de données nécessaires, actualisées, vivantes ou obsolètes. En ce qui concerne le partage des données, l’interopérabilité est essentielle. M. Zhao a souligné l’importance de la fiabilité des collecteurs de données. Il a indiqué que l’OMS et l’UIT ont collaboré sur les thèmes suivants Groupe de réflexion OMS/UIT sur l’intelligence artificielle pour la santé où les scientifiques sont encouragés à présenter des projets en vue d’un concours. M. Zhao a conclu en déclarant qu’une plateforme internationale était nécessaire pour encourager les gens à se réunir et à examiner ces questions au même endroit.

Le bac à sable de la coopération en matière de données à Genève

L’un des éléments clés de ce dialogue transsectoriel a été de souligner l’importance de principes concrets et clairs pour la coopération numérique, a déclaré la commissaire européenne à l’environnement et au développement durable. Jean-Pierre Reymond (Chargé de mission ; responsable des partenariats d’innovation, Mission permanente de la Suisse à Genève). La mission et la GIP ont examiné plus de 50 organisations basées à Genève et ont comparé leurs lignes directrices, principes, plans d’action et cadres. Les principes communs aux organisations internationales basées à Genève sont les suivants :

(a) la finalité, le traitement des données doit être effectué dans un but précis et explicite ;

(b) la proportionnalité, la quantité de données collectées et les activités de traitement des données ne devant pas dépasser la finalité ;

(c) la légalité ;

(d) l’équité, la collecte des données doit être équitable, transparente et non discriminatoire ;

(e) la confidentialité ;

(f) la vie privée ;

(g) la sécurité ;

(h) la responsabilité, les responsables du traitement des données doivent se conformer aux principes clés et être tenus responsables de tout préjudice causé aux données et par les données ;

(i) un mécanisme de contrôle de cette conformité permettant aux individus de demander des informations sur leurs données et de demander réparation en cas de violation des données devrait être disponible.

M. Reymond a conclu que les principes mettent en évidence une approche responsable et centrée sur les droits des données, où la transparence et la responsabilité dans les approches cognitives analytiques et l’analyse de l’utilisateur sont essentielles pour la coopération numérique.

M. Kurbalija a présenté la première ébauche du projet pilote, le Data Sandbox. Le Data Sandbox a été développé sur la base des éléments suivants Le moteur de données de Diplo. Il s’agit d’un écosystème qui combine la collecte, le traitement et la présentation des données d’une manière compréhensible. Il active des ensembles de données existants et comprend des modèles statistiques d’écarts types, des forêts d’isolement, des facteurs locaux aberrants et des graphiques en boîte. L’idée principale est de comparer des ensembles de données dans l’espace et dans le temps pour trouver des modèles et des écarts par rapport aux modèles. Les modèles peuvent indiquer une corrélation et, après avoir identifié une éventuelle corrélation, les utilisateurs peuvent entreprendre des recherches stratégiques pour identifier la causalité. Les écarts par rapport aux modèles peuvent être fortuits ou faire l’objet d’une analyse plus approfondie. Actuellement, le bac à sable est basé sur les pays, mais il est prévu d’inclure également les communautés locales. Après la phase pilote, le projet se concentrera sur la comparaison et l’identification de modèles dans la séquence temporelle.

Conclusion

Asma a noté que nous ne pouvons pas attendre 2030 pour combler les lacunes en matière de données et s’engager à fournir dès maintenant des données opportunes, fiables et exploitables. Sur la facilitation de l’accès aux données satellitaires et de télédétection, Petteri a déclaré que l’OMM a partagé ses données et son savoir-faire et a fait don d’installations de réception par satellite. Eckhard a souligné l’importance de l’interdisciplinarité. Zhao a noté l’utilité des dialogues et a encouragé les partenaires à les poursuivre, notant que l’UIT aidera à promouvoir davantage la plate-forme.

Préparé par l’équipe de la GIP

Aller au contenu principal